La prématurité, le plus souvent, ça ne se prépare pas… ça te tombe dessus quand le travail se déclenche alors que tu n’as pas atteint tes 8 mois de grossesse et qu’on t’annonce que tu es devenu parent.
« Félicitation ! » …
Mais félicitation de quoi au juste ? De ne pas avoir réussi à tenir 9 mois ? De se sentir responsable de la fragilité de ce tout petit bébé ? De réussir à refouler ses larmes au milieu de ces machines qui sonnent, de ces visages masqués, si loin, tellement loin du calme d’une chambre et de la douceur d’un doudou… Félicitation d’avoir créé de l’angoisse et de la tristesse dans un moment que tout le monde souhaitait fêter ?
Et on fait quoi ? On l’annonce ? On attend ? On partage des photos ? On explique ou pas ? On serre les dents pour ne pas répondre devant les réflexions maladroites ou les bonnes intentions qui au final n’en sont pas du tout… Et on se retrouve un peu à protéger les autres de ce qu’on subit de plein fouet…
Ils ne peuvent pas comprendre ce que je vis… Ils me disent « profites en pour te reposer tant qu’il n’est pas à la maison » alors que je ne respire que lorsque je suis près de sa couveuse. Que les seuls moments où j’arrive à dormir c’est lorsque mon bébé est contre moi en peau à peau.
Ils ne connaissent pas cette angoisse que je ressens dès que mon téléphone sonne, ce sentiment de vide lorsque j’appelle pour prendre des nouvelles le matin en croisant mes doigts si forts qu’ils en deviennent tout blanc.
Ces gouttes de lait que je compte maniaquement car c’est ma contribution quotidienne pour l’aider à aller mieux.
Les commentaires et les chiffres sur son classeur que je regarde encore et encore pour essayer de lire entre les lignes.
Les visages des soignants que je tente d’analyser pour comprendre si au-delà des mots on essaie de me dire quelque chose.
Apprendre à vivre en chamboulant mes années futures, en m’adaptant pour les mois suivants, en m’inquiétant pour les semaines qui arrivent, en espérant dans les prochains jours, en comptant les heures qui passent, tant d’énergie dépensée à chaque minute…
Pour réussir à m’aider, c’est tout cela et encore plus qu’il faut pouvoir comprendre.
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